ENTRETIEN: Max BRISSON / Président de l'Office public de la langue basque

Publié le par AEK - Baionako Gaueskola









Le président de l'Office public de la langue basque est surpris par le désengagement du Gouvernement vis-à-vis de l'élaboration d'une loi sur les langues minoritaires de l'Hexagone. Max Brisson explique son choix d'aller manifester dans les rues de Bayonne aujourd'hui, samedi, sans toutefois défendre la revendication de l'officialisation de la langue basque.


Le Gouvernement, par le biais du ministère de la Culture, a remis en cause l'utilité d'une loi sur «les langues régionales». Il avait pourtant annoncé un projet de loi avant la fin de l'année. Comment expliquez-vous cela ?

 

 


Je ne comprends pas les propos tenus par le conseiller du ministre de la Culture. Je rappelle simplement que le président de la République, lorsqu'il était candidat à la magistrature suprême, avait clairement exprimé son point de vue ; il avait expliqué que la France ne ratifierait pas la Charte européenne des langues régionales, mais qu'il proposerait au Parlement un projet de loi.


Depuis, le Gouvernement de François Fillon est allé plus loin : il a permis l'inscription des langues de France dans l'article 75.1 de la Constitution. A l'occasion de ce débat parlementaire, le 7 mai 2008, la ministre de la Culture avait précisé qu'un projet de loi serait déposé par le Gouvernement. Le républicain que je suis demande donc au Gouvernement de respecter la parole donnée.


Vous n'avez donc pas le même point de vue que le Gouvernement sur cette affaire ?


Je n'ai pas le même point de vue qu'un conseiller de cabinet. Jusqu'à nouvel ordre, ce ne sont pas les conseillers de cabinet qui dirigent le pays.






Cette affaire ne serait qu'une erreur d'un conseiller ?


Je ne sais pas... Connaissait-il son dossier ? Etait-il imprégné de cette histoire que je viens de rappeler ? Je n'en sais rien. En tout cas, je ne considère pas que la parole d'un conseiller de cabinet engage le Gouvernement. Maintenant, j'attends du Gouvernement qu'il reprécise les choses.


Cette situation serait provisoire ?


En tout cas, j'espère que les élus de tous bords, y compris les élus de l'UMP sauront rappeler au ministre Frédéric Miterrand, les engagements de sa prédécesseur, un engagement pris à la tribune de l'Assemblée, et celui du Président de la République.


Qu'apporterait une loi ?

 


Un projet de loi apporterait un cadre, une pérennité, qui s'imposerait aux représentants de l'Etat quelle que soit leur sensibilité, quelle que soit leur appétence par rapport à cette question. Ce projet de loi prétend prendre en compte une situation d'une très grande diversité. Il est donc fort probable qu'il ne nous apporte pas matériellement pratiquement pas de grandes avancées en Pays Basque.


Vous avez dit, récemment, qu'il ne faut pas rester à attendre une loi.

 

 


Ce que j'ai dit, c'est que dans le cadre actuel nous pouvons faire certaines choses, et que très souvent, le discours revendicatif camoufle le confort de l'inaction. Aujourd'hui, les mairies du Pays Basque pourraient, y compris la mienne, en faire beaucoup plus en faveur de la langue basque.


Je dis également que la revendication sur la co-officialité, légitime en tant que tel, c'est un combat, aujourd'hui, perdu d'avance, quand on connaît l'organisation de notre Etat et les rapports de force politiques au sein des organismes. Donc, aujourd'hui je suis pour le renforcement du cadre légal.


Voilà pourquoi je me rendrai à Bayonne, samedi [aujourd'hui]. Je participerai à la manifestation, premièrement, en tant qu'élu, en tant que conseiller général et qu'adjoint de Biarritz, en tant que citoyen, mais pas comme président de l'OPLB. Et deuxièmement, je n'y serai pas pour revendiquer la co-officialité, mais pour demander une loi pour renforcer le cadre légal sur lequel nous pourrons asseoir une politique linguistique durable.


Vous ne vous rangerez, donc, pas derrière la banderole de Deiadar ?

 

 


Je ne me rangerai pas derrière la banderole, et je regrette qu'en Pays Basque on ne se soit pas coordonné avec la plateforme défendue par les occitanistes. Le mot d'ordre de la manifestation de Carcassone me semble plus en phase avec les réalités de notre République, aujourd'hui, que le mot d'ordre annoncé à Bayonne.


C'est assez inhabituel de voir manifester une personne qui a des responsabilités dans une institution comme l'OPLB, et qui représente le parti au pouvoir, l'UMP...

 

 

 


Si la manifestation prenait une tournure d'hostilité vis-à-vis du Gouvernement, ou une tournure politicienne, je me retirerai. Mais de nombreux élus de tous bords manifesteront en faveur de la langue basque, en faveur d'un cadre légal renforcé et pas contre le Gouvernement. Il y a deux ans j'avais défilé à Carcassone, aux côtés du maire de Bézier UMP, du maire de Toulouse UMP... le combat pour les langues traverse tous les partis politiques.


Vous qui êtes dans des fonctions-clé, vous avez pourtant recours à la manifestation pour vous faire entendre...

 

 


J'ai toujours dit qu'il ne fallait pas sous-estimer dans l'ensemble des organisations politiques et sociales l'hostilité ou la puissante indifférence que suscite le poids de notre histoire, celui de notre organisation étatique : les forces hostiles au sein des grands partis, le jacobinisme uniformisateur... Le retour à l'Etat central, protecteur est un héritage puissant dans notre pays. Ceux qui portent ces valeurs sont de bonne foi. Malheureusement, il y a un certain amalgame avec le pacte républicain, or moi je prône une république des dissymétries et ce n'est pas un combat facile.


Reconnaissez-vous, en tant que président de l'OPLB, les droits linguistiques des bascophones ?

 

 


Dans le cadre de notre organisation constitutionnelle, cette expression n'a pas grand sens. Les droits sont des droits individuels et jamais communautaires. En revanche, les pouvoirs publics ont une immense responsabilité, aujourd'hui inscrite dans notre constitution, vis-à-vis des langues qui appartiennent à notre patrimoine.


Pensez-vous que la loi Toubon, permet l'utilisation de l'euskara dans tous les lieux publics ?


La loi Toubon avait pour but essentiellement de lutter contre le leadership croissant de la langue anglaise. Le fait que la langue française soit la langue de l'Administration ou dans la vie publique est bien antérieur à la loi Toubon. En revanche, la pratique de la langue basque dans la vie sociale n'a jamais été empêchée par ce cadre juridique.


Ni à La Poste, ni à la SNCF ?


La pratique de la langue est aussi une question qui est posée à la société. Le cadre juridique le plus avancé possible peut se heurter à l'indifférence de la société. Un cadre est nécessaire mais pas suffisant.


Peut-on écrire à l'Administration une lettre en basque ?

 

 

Elle n'a pas de valeur juridique, mais ce n'est pas interdit ; vous n'allez pas en prison. Aujourd'hui, selon la loi, seul le français a une valeur juridique, mais le bilinguisme est partout possible. Et, un des grands chantiers de l'OPLB est de promouvoir l'usage de l'euskara dans la vie publique.


Goizeder TABERNA

 

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Le JPB

Publié dans Euskalgintza

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